Notation et avis sur internet : et si la vraie vie était plus compliquée que cela ?

Notation et avis sur internet : et si la vraie vie était plus compliquée que cela ?

19 août 2019 Non Par valentine.favel

Usages du numérique et différent intergénérationnel….

 

Durant nos vacances d’été nous sommes allés au restaurant en groupe dans une ville du sud. C’était un samedi soir d’août et il y avait beaucoup de monde, d’autant que le restaurant est assez prisé, dans un lieu atypique, « authentique » diront certains (sous entendu pas un restaurant à touristes, un lieu recommandé par les natifs…). L’attente a été longue, très longue même… Rapidement exaspéré le jeune adulte parmi nous à sortir son smartphone pour regarder les avis et notations sur le restaurant dans TripAdvisor….s’en est suivi des remontrances : comment avions nous pu choisir un restaurant aussi mal noté ? comment pouvions-nous encore choisir un restaurant sans consulter les avis ?…

Le lendemain, alors que nous déambulions à la recherche d’un glacier, nous avons décidé de faire appel à TripAdvisor pour faire notre choix…au final, le glacier sélectionné n’était, me semble-t-il, pas meilleur qu’un autre. Du coup, je me demande si le recours aux avis et notations comme critère prédominant est judicieux.

Voici quelques arguments de réflexion :

– Les avis pouvaient être faux, produits non pas par des consommateurs lambda mais par des ouvriers du clic payés pour produire des avis et notations (bons ou mauvais selon l’objectif recherché)

– Quelles sont les motivations des consommateurs qui posent des avis et sont-ils représentatifs de l’ensemble des avis des consommateurs ?

–  Les avis correspondaient à des jours, des instants T et que ce n’est pas parce qu’un ou des consommateurs ont eu des expériences positives ou négatives que celles-ci vont être constantes. En gros qu’il n’y a pas de vérité absolue mais des gens, des expériences, des vécus, etc…Par exemple, peut-être le soir de notre venu l’attente était longue parce qu’il avait un problème de personnel, des clients particulièrement nombreux (et/ou difficiles..) ?

–  Les critères d’attribution d’une note ou d’un avis peuvent  être différents selon les individus, ainsi que le poids attribué à chaque critère. Pour certain, aller au restaurant est avant tout une expérience gustative, pour d’autres sociale ou culturelle.

– Enfin, l’expérience est une épreuve personnelle faite de vécus bons et mauvais (et si les mauvaises expériences étaient aussi importantes que les bonnes pour savoir ce que c’est pour moi un bon restaurant ?!!). Déléguer à d’autre constamment ces choix c’est sans doute peu formateur et surtout surinvestir des moments somme tout anodins : parfois il est bon de lâcher prise, de se laisser porter par la vie et le hasard (et puis aussi faire preuve d’indulgence mais ça c’est un autre sujet).

Recourir aux applications basées sur l’économie de la confiance n’est pas un choix anodin. Il nous engage dans les rouages de l’économie numérique mais ces usages numériques sont aussi révélateurs de nos propres modes de fonctionnement, de nos attentes, angoisses et valeurs. Recourir aux avis et notations sur internet est  tellement rassurant…. : s’il suffisait de s’en référer aux avis des autres pour faire ses propres choix, s’il y avait une vérité unique et intemporelle, si chaque expérience était la bonne, alors la vie serait tellement plus simple….et si le recours au web était aussi une façon de se rassurer même si cela nous prive en même temps d’une certaine forme d’autonomie ?

 

A lire sur le sujet :

  • Beauvisage, Thomas, et al. « Notes et avis des consommateurs sur le web. Les marchés à l’épreuve de l’évaluation profane », Réseaux, vol. 177, no. 1, 2013, pp. 131-161.
  • Dominique Cardon, Culture numérique, Paris, Les Presses de Sciences Po, coll. « Les petites humanités », 2019, 430 p. Chapitre sur  » La notation et l’économie de la confiance », p 321.
  • Dominique Pasquier, Valérie Beaudouin, Thomas Legon, « Moi, je lui donne 5/5 ». Paradoxes de la critique amateur en ligne, Presses des Mines, coll. « i3 », 2014, 158 p.