Formatrice en  ECMIN+

Formatrice en ECMIN+

26 août 2022 Non Par valentine.favel

ECMIN+ = Éducation Critique aux Médias, à l’Information, au Numérique et voir +.

Une discussion sur Twitter très intéressante (oui il y en a) m’a inspirée ce billet estival qui tente de faire le point sur mon métier, celui de formatrice en « numérique » à l’Inspé depuis 4 ans déjà (dont deux de confinement, une expérience qui mériterait un autre billet…).

Formatrice en quoi ?

Lorsqu’on me demande ce que j’enseigne, je réponds différemment selon le contexte, l’interlocuteur, mon humour, mon inspiration, etc. Pour les plus aguerris, je tente un  « formatrice en EMI (Éducation aux Médias à l’Information), aux étudiants je parle « d’éducation au numérique, aux médias et à l’information », à mon kiné, je me présente comme enseignante en culture numérique, enfin, mes enfants disent que je suis prof d’internet… Dans ma signature, j’indique formatrice équipe numérique, ce qui je l’accorde ne veux rien dire. Au moins cela permet-il d’éviter le TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement – acronyme encore employé par certains de mes semblables) car s’il est bien une chose que je ne suis pas, c’est une technicienne.

Formatrice pour qui ?

Employée à temps plein par l’université Lyon 1 comment professeure-documentaliste détachée dans le supérieur, je donne environ 500h de cours par an, principalement à des étudiants de master qui se destinent au métier d’enseignant, du 1er ou 2d degré, mais pas que. Ce que j’enseigne dépend donc du publice à qui je l’enseigne.

Par exemple, j’interviens dans la formation des orthophonistes pour une formation à la culture numérique en préparation de la certification PIX mais aussi sur un module indépendant (de 10h) de formation à la recherche documentaire et j’utilise la cartographie des controverses pour cela. Selon moi, les compétences informationnelles font aussi partie de l’EMI de ce fait je reste sur mon terrain de prédilection.

Paradoxalement, concernant la formation initiale des enseignants, les enseignements numériques sont assez flous et ce flou est d’autant plus important qu’il n’y a pas vraiment de référentiel qui pose le cadre. Le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation (2013) attend des enseignants qu’ils sachent « intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier » et, plus précisément, qu’ils puissent :

– Tirer le meilleur parti des outils, des ressources et des usages numériques, en particulier pour permettre l’individualisation des apprentissages et développer les apprentissages collaboratifs.

– Aider les élèves à s’approprier les outils et les usages numériques de manière critique et créative.

– Participer à l’éducation des élèves à un usage responsable d’internet.

– Utiliser efficacement les technologies pour échanger et se former

C’est à partir de ce référentiel qu’est définie les contenus en lien avec le numérique éducatif dans les maquettes des masters MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation), d’où une grande diversité et disparité selon les universités, ces compétences étant pour le moins vastes et assez flous.

Jusqu’à l’année dernière, j’ajoutais à ce référentiel celui du C2I2e. Cette certification mise ne place en 2004 devrait être remplacée cette année par la certification CRCN-Edu (dans la continuité de la mise en place du CRCN pour les élèves et étudiants). Pour l’instant, pas de directive officielle, mais des documents de travail qui circulent, comme ce référentiel CRCNe.

Si ce nouveau référentiel à l’avantage d’être actualisé et de préciser plus finement les compétences attendues il porte, selon moi, les mêmes écueils que les autres référentiels  :

– une confusion entre former et éduquer.

– une confusion entre enseigner par (avec les outils numériques dont ceux administratifs), avec (usages pédagogiques), au (éduquer) numérique.

– une absence d’approche critique du numérique éducatif, de la société de l’information et de la technologie. L’approche critique est pourtant essentielle pour se situer face à nos environnements techniques et informationnels, mais aussi pour transmettre celle-ci à des élèves. Cette question pourrait, elle aussi, faire l’objet d’un article à elle seule et pour y réfléchir, je vous invite à consulter les publications de Kaltoum Mahmoudi et de Nolwenn Tréhondart.

Formatrice comment ?

Par ailleurs, la mise en place de cette certification risque d’invisibiliser l’EMI, qui ne sera abordée que dans une dimension numérique, et réduira nos enseignements à des TP de validation des compétences, ce qui était le cas à l’époque du C2i2e.

Mais surtout, ce qui manque à ces référentiels, c’est une démarche à la foi critique et réflexive qui s’appuie sur la recherche scientifique, bref une solide culture numérique.

Je prendrai un seul exemple. Pratiquement dans chaque module de formation, je présente à mes étudiants cette illustration. Même si les pourcentages qu’elle présente sont discutables, elle permet d’aborder rapidement un ensemble de thématiques indispensables pour comprendre l’offre informationnelle.

iceberg Web de surface => fonctionnement des moteurs de recherche et des algorithmes l’ enferment algorithmique (ou pas),….

 

Web profond ou invisible => outils de la recherche (catalogue de bibliothèque, CAIRN, Google Schoolar, …), REL, ressources payantes professionnelles, …

 

 

Dark web => gouvernance d’internet, liberté d’expression, Wikileaks, ….

 

En règle générale, j’ai moins d’une demi-heure pour présenter cette infographie…autant dire que c’est du « speed teaching », que c’est largement insuffisant, mais c’est mieux que rien de mon point de vue.

Je suis d’ailleurs à la recherche d’une infographie identique qui me permettrait d’aborder la question du web affectif, de l’économie de l’attention et du digital labor.

En résumé…

Pour faire écho à la discussion sur Twitter la définition de ce qu’est une culture numérique et une éducation au numérique, aux médias et à l’information ne fait pas consensus. Selon les parcours des uns et des autres, les publics, les objectifs visés, le numérique éducatif est un objet mouvant. Pour autant, nous sommes un certain nombre à penser

  • Que le législateur à une vision très réductrice du numérique à l’école (avec une confusion entre par/avec/au numérique très problématique)
  • Que l’approche critique, qu’elle concerne l’EMI, la culture numérique ou le numérique éducatif, est essentielle.
    De mon point de vue, tout enseignant devrait avoir lu cet ouvrage d’André Tricot et Franck Amadieu : Apprendre avec le numérique, Mythes et réalités.
    Au-delà de la déconstruction des mythes, cet ouvrage permet de prendre connaissance de nombreux travaux en sciences de l’éducation et de la formation, en sciences cognitives, en psychologie, en science de l’information et la communication, etc.Car depuis plus de 20 ans, la recherche sur le numérique éducatif est très dynamique et il serait temps de traduire celle-ci en termes de contenus et modalités d’enseignement dans la formation des enseignants et des professionnels en lien avec l’éducation et pour l’éducation des élèves.

Apprendre avec le numérique