« Ados en quête d’infos » un article de Anne Cordier

« Ados en quête d’infos » un article de Anne Cordier

22 septembre 2019 Non Par valentine.favel

« Ados en quête d’infos : De la jungle à la steppe, cheminer en conscience » est un article rédigé par Anne Cordier (Maître de conférence en SIC à l’Université de Rouen) et publié dans la revue de Socio-Anthropologie de l’adolescence (RSAA) dans un numéro spécial sur Le rôle des TICs dans l’accompagnement des ados.-  (N° 3, février 2019).

Cet est désormais en libre accès sur la HAL et il est à lire impérativement : cet genre d’article est typiquement le genre de travail scientifique qui intéresse directement le terrain, à savoir tous les enseignants et encore plus les professeurs-documentalistes.

Basé sur des entretiens auprès d’adolescents et de jeunes adultes, ce travail cherche à rendre visible les pratiques informationnelles juvéniles effectives (c’est à dire ce qu’ils font vraiment et pas ce qu’ils disent faire où ce que l’on pense qu’ils font….). Ces pratiques questionnent les valeurs et pratiques à l’oeuvre dans le monde scolaire et les résultats de recherche permettent de proposer des pistes pour agir, pour accompagner, à l’école, les pratiques informationnelles des jeunes.

Voici quelques conclusions de cette recherche :

-Contrairement aux idées reçus, les adolescents investissent les activités de recherches d’informationnelles mais ils ne font pas de distinction entre celles liées aux activités scolaires et celles liées à leurs loisirs et/ou centres d’intérêts.

-En terme de modalités, le recours à la vidéo est surtout à YouTube est prépondérant. Pour cette dernière, ils explorent les recommandations, conscient qu’ils sont le résultat d’un algorithme, mais surtout un moyen pour découvrir d’autres vidéos et d’autres informations. Dans cette navigation par sérendipité, ils sont très sensibles au design émotionnel (c’est à dire aux vidéos qui s’adresse directement à leur émotion et au spectaculaire) .

-La question de l’évaluation de l’information est vécue par les jeunes comme une » injonction académique, une norme strictement scolaire, et non pas comme un processus intellectuel participant d’une démarche informationnelle critique plus globale » (p 40)… »En dehors de son aspect récompense, le sens profond de l’activité n’est pas du tout perçu par les adolescent.es » (p 41). Du coup, la question de l’évaluation doit être repensée comme une démarche intellectuelle de (co)production de sens intégrée aux pratiques informationnelles. Cela suppose de ne pas réduire la culture de la source à une méthodologie. Anne cordier écrit  « la grille d’évaluation de l’information, telle que construite et utilisée dans les formations à l’information, est à ce titre un objet pédagogique véritablement problématique et tout à fait contre-productif » (p 41)… »imposer une grammaire documentaire est totalement inopérante » voir contre productif…

-Anne Cordier propose de revoir le positionnement de l’enseignant dans cet accompagnement et d’établir des expertises partages, c’est à dire que le savoir doit se construire conjointement avec les élèves à travers les recherches d’information : « Sur le terrain, on constate que ce sont les enseignant-es qui adoptent une posture de maître ignorant et qui s’engagent dans une démarche de questionnement informationnel co-construite avec leurs élèves, qui affirment d’autant plus leur expertise au sein de la classe et parviennent à mettre en place un climat favorable aux échanges bienveillants et constructifs, oeuvrant pour la construction d’une véritable communauté » (p 43).

-« Les pratiques juvéniles, grandement intuitives(…) ont besoin d’être accompagnées pour être davantage structurées et optimisées. En cela, elles doivent intégrer une culture de l’information, ensemble de connaissances et de compétences permettant non seulement de rechercher et traiter l’information dans toute sa complexité et avec un esprit critique, mais aussi de comprendre l’environnement informationnel et ses enjeux sociaux, économiques et politiques. »(p 44)

-Il ne faut pas confondre culture numérique et culture de l’information et ne pas se limiter aux outils ni sous estimer la question de la circulation de l’information, d’ailleurs les adolescents regardent aussi la télévision pour s’informer. Par ailleurs il est aussi essentiel de les former à l’esprit critique face à la l’information sur support papier.

-Il est important de faire conscientiser leurs pratiques informationnelles aux adolescents, entre autre, le recours massif aux réseaux sociaux numériques comme moyen d’accéder à l’information.  Il faut partir de leurs représentations et de leurs pratiques pour apporter aux adolescents « des clés de compréhension des outils et médias d’information et de publication, des connaissances sur les logiques sociales et économiques et production et de diffusion de l’information à l’heure numérique, mais aussi sur les intentions de diffusion et de partage de l’information (…) » (p 47).

-Cette approche par les pratiques doit permettre aussi de lutter contre les inégalités sociales et culturelles extrêmement grandes dans les pratiques juvéniles numériques.

« En conclusion, les pratiques informationnelles adolescentes ne peuvent être ignorées tant elles questionnent des modèles traditionnels de validation des sources et d’identification de l’autorité informationnelle (Alexandre Serres, Dans le labyrinthe : évaluer l’information sur Internet 2012) (..) : prendre appui sur ces pratiques, c’est reconnaître le sens et la légitimité qu’elles ont pour leurs acteur.rices, mais aussi aider ceux-ci et celles-ci à conscientiser leur rapport à l’information et aux médias, ainsi qu’à optimiser leurs modalités de traitement, d’évaluation et de (re)publication de l’information« (p 48).

 

Bibliographie complémentaire sur Anne Cordier :